Un regard sur l'Intelligence Artificielle et ses défis actuels

Luc Julia est l'un des pionniers de l'IA et co-créateur de Siri.

Un regard sur l'Intelligence Artificielle et ses défis actuels
Économie et Finance
Jan 16, 2025
Par 
Rédaction

Luc Julia est l'un des pionniers de l'IA et co-créateur de Siri. Aujourd'hui directeur scientifique chez Renault, il revient sur les défis technologiques, économiques et éthiques de l'IA.  

Mark Zuckerberg estime que "l'IA n'est pas encore rentable, mais rater ce virage serait une erreur stratégique". Partagez-vous cette vision, notamment pour Renault ?  

Oui, absolument. Ne pas comprendre l'IA serait une erreur historique. Je la compare souvent à un outil comme le marteau : si on l’avait ignoré, l’humanité aurait stagné. L’IA suit la même logique. Il ne s’agit pas de tout adopter aveuglément, mais de comprendre ses potentialités. Pour une fois, je suis d’accord avec Zuckerberg.  

Renault a développé Reno, un assistant vocal. Quelles sont ses spécificités ?  

Reno est bien plus qu’un simple assistant. C’est un avatar interactif avec une interface visuelle ("une petite bouille") qui conseille les utilisateurs, un peu comme ChatGPT. Il s’intègre dans l’écosystème connecté des véhicules.  

Plus performant que Siri ?  

Clairement. Siri a pris du retard faute d’investissements continus. Reno bénéficie des dernières avancées en traitement du langage.  

ChatGPT a-t-il marqué un tournant dans l’adoption de l’IA par les entreprises ?  

Oui, et c’est visible avec la courbe de Gartner. En 2023, ChatGPT a atteint 100 millions d’utilisateurs en deux mois, un record. Les entreprises ont surfé sur cette hype : dans le CAC 40, environ 170 Proof of Concept (POC) ont été lancés. Mais en 2025, seuls 10 ont survécu. C’est typique après l’enthousiasme vient la désillusion. Beaucoup ont réalisé que l’IA coûte cher, prend du temps et nécessite des cas d’usage concrets.  

Un exemple de dérive ?

Oui, comme chez Samsung, où un ingénieur a exposé des secrets industriels via ChatGPT. Cela montre les risques du cloud.  

Les données partagées avec ChatGPT posent des problèmes de confidentialité. Existe-t-il des solutions ?  

Oui, l’IA locale gagne du terrain grâce à l’open source. On peut désormais faire tourner des modèles sur nos propres machines, sans dépendre du cloud. C’est crucial pour la protection des données.  

Avez-vous exploré les synergies entre blockchain et IA ?  

Oui, notamment pour tracer les décisions de l’IA via des blocs infalsifiables. Mais la blockchain reste énergivore.

Vous critiquez l’usage abusif de ChatGPT pour des requêtes triviales. Pourquoi ?  

Parce que son coût écologique est énorme. 25 requêtes = 1,5 litre d’eau gaspillée pour refroidir les serveurs. Pour une question simple, Google est 100 à 1000 fois moins gourmand. L’éducation est clé : il faut réserver l’IA générative aux usages qui en valent la peine, comme la recherche médicale.  

Luc Ferry évoque des "laveurs de carreaux polytechniciens". Partagez-vous cette vision ?  

(rires) Non, c’est absurde. Pourquoi mettre de l’IA dans un métier aussi simple ? En revanche, 100 % des métiers seront impactés par l’automatisation de tâches répétitives. Mais les professions ne disparaîtront pas : elles évolueront, comme avec Internet. L’IA est un outil d’augmentation, pas de substitution.  

Un exemple d’IA appliquée chez Renault ?  

Prenons un cas théorique, les acheteurs passaient des heures à rédiger des contrats. Désormais, ils disent à l’IA : "Je veux acheter X pneus à Y fournisseur", et le contrat est généré instantanément. Gain de temps énorme, même si une relecture reste nécessaire… surtout en France (rires).  

Un message pour les jeunes qui veulent travailler dans l’IA ?  

Faites des maths. L’IA repose sur la logique et les stats. Et surtout, rappelez-vous : elle n’est pas infaillible. Ce n’est que de la probabilité, pas de la vérité absolue.

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