Le 18 mai prochain à Genève, se tiendra une élection dont les enjeux dépassent de loin le champ traditionnel de la santé publique.
Le 18 mai prochain à Genève, se tiendra une élection dont les enjeux dépassent de loin le champ traditionnel de la santé publique. Celle du Directeur régional de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique (OMS-Afrique). Derrière ce scrutin discret se joue une bataille d’influence aux implications profondes : autonomie stratégique du continent, recomposition des rapports Nord-Sud, affirmation des puissances émergentes, repositionnement de la France en Afrique… Dans cette arène, un candidat atypique émerge : le Dr Mohamed Lamine Dramé, médecin et expert en politiques de santé mondialement reconnu, mais sans le soutien actif et ostentatoire des autorités guinéennes. Outsider de façade, il pourrait bien être l’homme de la conjoncture.
Loin des clivages géopolitiques classiques, le Dr Dramé incarne une figure transversale et transnationale. Médecin formé à Cuba, docteur en politique de santé à Lisbonne, ancien fonctionnaire de l’OMS à Genève, cadre de la coopération allemande et belge, conseiller de ministres de la santé en Afrique de l’Ouest et enseignant à Heidelberg, il incarne une multipolarité maîtrisée, fluide, capable de dialoguer avec les différents blocs qui se disputent aujourd’hui l’influence sur le continent africain.
Alors que la santé est devenue un levier majeur de diplomatie internationale – depuis la gestion du COVID-19 jusqu’à la crise des vaccins, en passant par la sécurité sanitaire liée aux pandémies ou aux dérèglements climatiques –, le profil de Dramé dépasse la compétence technique. Il est politique. Il renvoie à une autre façon de penser la coopération sanitaire : non plus descendante ou bilatérale, mais concertée, multiscalaire, contextualisée. En cela, il représente un acteur-pont entre Genève, la France, l’Europe et l’Afrique, capable de favoriser un dialogue stratégique à haute intensité, tout en respectant les souverainetés nationales africaines.
Car cette élection, bien que peu couverte médiatiquement, s’inscrit dans une reconfiguration majeure des relations entre l’Afrique et ses partenaires traditionnels. La France, notamment, cherche un nouveau souffle dans sa politique africaine. Or, soutenir un profil comme celui de Dramé – francophone, multilingue, indépendant et respecté – serait un signal politique intelligent : celui d’une rupture assumée avec les logiques d’influence purement diplomatiques ou sécuritaires, au profit d’une coopération fondée sur la compétence, la reconnaissance des élites africaines et la construction de partenariats horizontaux.
À ce titre, la France pourrait y voir une opportunité unique : promouvoir un leadership africain crédible qui serve également ses intérêts dans la revitalisation du multilatéralisme, aujourd’hui fragilisé. Genève, cœur névralgique des grandes institutions sanitaires internationales, y gagnerait un interlocuteur africain structuré, fiable, déjà familiarisé aux codes, aux attentes et aux processus complexes de la gouvernance globale. L’Union européenne, elle, trouverait dans ce profil un relais stratégique pour porter ses valeurs d’inclusivité, de santé universelle et de coopération technique de haut niveau – dans un continent où la Chine, la Russie ou la Turquie accélèrent leur projection sanitaire.
Mais au-delà des intérêts européens, c’est l’Afrique elle-même qui pourrait tirer profit d’un tel choix. En rompant avec les candidatures trop fortement marquées par des affiliations politiques ou des ambitions nationales étroites, Dr Dramé apporte une légitimité fondée sur l’expertise, la transversalité linguistique et régionale, et l’expérience de terrain. Son parcours l’a conduit à travailler dans plus de 30 pays, à coordonner des plans nationaux de santé, à former des générations de professionnels, et à piloter des réformes institutionnelles dans des contextes de fragilité extrême.
Surtout, il propose une vision à rebours des réponses classiques. Là où certains se contentent de plaider pour le maintien des financements extérieurs, lui propose un « New Deal pour la santé africaine » : souveraineté sanitaire, mobilisation des ressources locales et diasporiques, innovations en matière de financement participatif, partenariats public-privé africains, production locale de médicaments, digitalisation, intelligence artificielle. Il inscrit la santé dans une logique d’investissement stratégique, à la croisée du développement, de la stabilité et de l’influence régionale. Et ce faisant, il ancre l’OMS-Afrique dans une nouvelle ère.
Si l’élection du 18 mai reste conditionnée à des équilibres politiques internes à l’OMS, le profil du Dr Dramé gagne du terrain dans les cercles d’experts et auprès de plusieurs représentants des petits États, séduits par son indépendance et sa capacité à dialoguer avec toutes les parties sans logique d’alignement.
Dans un monde en mutation, l’Afrique a besoin d’un leadership capable de dépasser les rivalités pour créer des convergences. Mohamed Lamine Dramé ne dispose peut-être pas de l’appareil d’un État derrière lui. Mais il incarne une Afrique crédible, compétente, transversale – et stratégiquement bien placée pour être le trait d’union que les temps exigent entre Genève, Paris, Bruxelles et Addis-Abeba.